« FRANCE EST PLUS belle », a déclaré le 12 décembre Emmanuel Macron, son président, « car la Nouvelle-Calédonie a décidé d’en faire partie. C’était le dernier des trois référendums de l’Accord de Nouméa de 1998, un pacte destiné à mettre fin à l’âpre conflit entre les politiciens loyalistes des îles et le Front de Libération Nationale Kanak et Socialiste, en grande partie indigène et indépendantiste (FLNKS). Le résultat est un revirement par rapport aux deux sondages précédents, quand il semblait que le sentiment d’indépendance se renforçait. Dans le premier, en 2018, 43,3% ont voté « oui » à l’indépendance ; dans le second, deux ans plus tard, 46,7% l’ont fait.
La raison n’était pas une soudaine poussée d’affection pour l’hexagone mais un effondrement de la participation : 44% des éligibles qui se sont présentés, soit un peu plus de la moitié des 86% du scrutin précédent d’octobre 2020. FLNKS avait plaidé pour un scrutin tardif après une récente vague Delta qui a tué un habitant sur 1 000, principalement des insulaires du Pacifique. La perception que le report du vote augmenterait les chances d’indépendance a sans aucun doute joué un rôle dans la FLNKSAussi l’appel au report. Le gouvernement de Paris a insisté pour s’en tenir à la date fixée, pour éviter les critiques des nationalistes avant les élections présidentielles françaises d’avril. Les militants indépendantistes ont boycotté le vote.
Le gouvernement français a rejeté la participation comme étant juridiquement non pertinente. Dans le passé, il s’était présenté comme un arbitre neutre dans le différend entre les politiciens loyalistes et indépendants du territoire. Cette fois c’etait different. Un document gouvernemental de 100 pages publié avant le scrutin mettait en garde contre les conséquences économiques désastreuses de la sécession de la Nouvelle-Calédonie. Sortant des réticences de ses prédécesseurs, le ministre français de l’Outre-mer, Sébastien Lecornu, s’est inopinément lancé en Nouvelle-Calédonie la veille du référendum, envoyant un message clair de la réticence française à abandonner le contrôle.
La géopolitique a également joué un rôle dans la campagne anti-indépendance. La Nouvelle-Calédonie possède environ un dixième des réserves mondiales de nickel. Le métal représente 90 % des exportations, principalement vers l’Asie. Les partis loyalistes ont fait valoir qu’une Nouvelle-Calédonie indépendante deviendrait un État vassal chinois.
Macron espère que le résultat annulera l’accord de Nouméa, mettant fin à ce qu’il appelle le « choix binaire » entre l’indépendance et le maintien de la France. « Maintenant, nous devons construire un projet commun, reconnaissant et respectant la dignité de tous », a-t-il déclaré. Cependant, les éléments clés de la structure décentralisée convenus dans l’accord, y compris un accord de partage du pouvoir entre les partis loyalistes et séparatistes, resteront en place.
Les partis indépendantistes, de leur côté, refusent de reconnaître la légitimité du dernier tour de scrutin. Ils ont évité les ouvertures post-référendaires de Lecornu pour des négociations en vue d’un nouvel accord politique, bien que celles-ci soient également requises par l’Accord de Nouméa. En toile de fond, la course imminente à la présidence française. D’ici là, Macron n’est probablement pas d’humeur à faire des concessions. ■
Cet article est paru dans la section Asie de l’édition imprimée sous le titre « Rule of Three »