T.CES SONT temps succulents pour être un vert français. 81% des personnes interrogées lors d’une récente enquête ont déclaré que le changement climatique est un « problème très grave », contre 69% en 2015. Les récents incendies, inondations et gelées tardives sont un triste rappel des dangers environnementaux. Lors des élections locales de l’année dernière, Europe Écologie Les Verts, le Parti vert français, a pris le contrôle de certaines grandes villes, dont Bordeaux, Lyon et Strasbourg. Et la montée des Verts allemands a laissé espérer un revirement similaire en France, avant les élections présidentielles de l’année prochaine.
C’est donc avec un ressort dans leur démarche que les Verts s’apprêtent à choisir un candidat à la présidentielle, lors d’un double tour de scrutin en septembre. Cinq candidats sont en lice et la course est particulièrement ouverte, notamment parce que jusqu’à présent, seulement 17 000 personnes se sont inscrites pour voter. Cela met le choix entre les mains des fidèles du parti qui, selon un Vert, « sont militants et clairement à gauche des socialistes ». Les Verts pourraient très bien se retrouver avec un candidat qui ravit la base radicale, mais rejette les électeurs.
Les Verts français ont émergé du mouvement anti-nucléaire des années 1960 et mélangent un environnementalisme radical avec des appels à plus d’intervention sociale. Curieusement, ils veulent sortir du nucléaire alors qu’il produit 70 % de l’électricité française sans émettre de carbone. Ils promettent de réintroduire un impôt sur la fortune, auquel le président Emmanuel Macron a mis fin, et veulent réduire la semaine de travail de 35 à 32 heures. Le parti est « clairement à gauche des Verts allemands », explique un membre.
Yannick Jadot, leader national, est le candidat le plus connu, ayant remporté l’investiture des Verts à l’élection présidentielle de 2017. Il est considéré comme le plus modéré et a pris ses distances avec l’extrême gauche et les militants « anti-croissance » du parti (parmi eux Delphine Batho, une candidate rivale). Encore le peuple vert ils ont une histoire impressionnante d’ignorer les favoris, comme le sait M. Jadot, ayant battu la précédente, Cécile Duflot.
Un appel extérieur pourrait aider Sandrine Rousseau, économiste radicale. Un an avant le mouvement #MeToo, il a interpellé un député vert pour harcèlement sexuel. Rousseau se définit comme une « éco-féministe » : contre « toutes les formes de prédation », à la fois de la planète et du corps humain, et contre l’attitude qui « est prise, utilisée, jetée ». Cela sonne avec une jeune génération, en particulier les femmes.
Un autre choix potentiel de la base militante est Eric Piolle, maire de Grenoble. Il soutient un « arc humaniste », allant des socialistes à l’extrême gauche. Poussé par sa réélection en 2020, il a parcouru la France pour prouver qu’il n’est pas qu’un gars de la grande ville, à vélo. Lorsqu’on lui demande pourquoi les Verts peinent à parler à ceux qui sont en dehors des grandes villes, Piolle répond : « Au contraire, c’est le président qui ne parle qu’à ceux qui sont dans les grandes villes ». Les récentes catastrophes liées au climat, dit-il, ont changé le point de vue rural.
Pourtant, l’image de la grande ville des Verts persiste. M. Jadot l’a laissé entendre en insistant la semaine dernière sur le fait qu’il n’aime pas le « dénigrement agricole ». Les petits agriculteurs de France profonde, qui mettent des pesticides dans leurs champs et de l’essence dans leurs véhicules, détestent qu’on leur dise qu’ils sont irresponsables. Et la France a appris de gilets jaunes les dangers de l’augmentation de la taxe carbone sur le carburant, bien que Piolle affirme que les protestations étaient en fait plus axées sur la « justice sociale ». Les gens ordinaires se sont sentis punis, dit-il, tandis que les riches, qui prennent des vols pour des voyages de week-end, ont bénéficié d’allégements fiscaux. Le mouvement a depuis disparu.
Les Verts ont aussi la réputation d’avoir des idées pointilleuses. Le maire de Bordeaux a annulé le sapin de Noël annuel de la ville. Le maire de Lyon a durement critiqué le Tour de France, trésor national. Quand Piolle a dénoncé le déploiement de 5G., Macron s’est moqué de ceux qui veulent imiter un « modèle amish ». Le manque d’expérience a largement protégé le parti des compromis désordonnés imposés par le gouvernement.
L’enjeu est plus que les perspectives présidentielles des Verts. Leur choix permettra également de déterminer si les Verts ou les Socialistes deviendront la principale force de la gauche française dans les années à venir. Une bataille similaire se déroule également à droite, entre des nationalistes modérés essayant de regagner les voix de la nationaliste dure Marine Le Pen et des politiciens de centre-droit espérant arracher les électeurs à Macron.
Tout dépend si la gauche peut s’unir derrière un candidat. Seul, Jadot obtient 7 à 8 % dans les sondages. À moins que les rivaux ne comblent leurs différences, les Verts affronteront également les socialistes, les communistes et d’autres rivaux. L’espace à gauche de Macron est aussi encombré qu’une piste cyclable parisienne. Ce qui est une bonne nouvelle pour le président. ■
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Cet article est paru dans la section Europe de l’édition imprimée sous le titre « Hoping for their time »